Maurice CURY
Maurice Cury, né le 25 juin 1932 à Paris, est poète, romancier, essayiste, critique littéraire, scénariste de télévision et de cinéma, auteur dramatique et radiophonique (en collaboration avec France Culture), un polygraphe accompli dont plusieurs des romans ont été adaptés au cinéma ou à la télévision, dont La Route de Salina, film réalisé par Georges Lautner, en 1970, avec Rita Hayworth, Mimsy Farmer ou Robert Walker Jr. Dans ce roman, le héros, Jonas découvre peu à peu une histoire qui n’est pas la sienne, mais qu’il répète sans le vouloir jusqu’à ce que, par un acte non prévu, il se libère de l’envoûtement et de sa personnalité d’emprunt.
Maurice Cury s’est également fortement impliqué dans la défense du droit d’auteur, ayant été secrétaire national de l’Union des écrivains, puis secrétaire général de la Maison des écrivains, ou encore, président du Conseil permanent des écrivains et du Syndicat national des auteurs et des compositeurs.
Si la poésie et l’imaginaire se taillent la part belle de l’œuvre (« Le bonheur de ne rien posséder qu’en rêve est le bonheur le plus pur »… « Tout existe puisque j’ai tout inventé, tout existe, tout ce que j’ai nommé »), la culture, son économie, son rayonnement et la politique, y tiennent aussi un rôle important. La critique qui emboite le pas de la révolte autant que de l’amour la poésie, chez Maurice Cury, est sans concession à propos de notre époque et de ses désastres : « Combien furent honorés les grands criminels aux mains blanches et à la conscience immaculée du XXe siècle finissant : Reagan et Thatcher, Bush père et fils, ces tortionnaires des peuples et ces propagateurs de la misère, ces laudateurs de l’argent roi et des profits illimités pour la plus grande prospérité des nababs et des exploiteurs sans foi ni loi ! Vous pensez que je m’égare et que je me détourne de l’écriture poétique, si agréable lorsqu’elle parle des nuages et du ciel bleu, vous pensez que je suis traître envers la pure poésie, mais je ne suis pas un pur poète, je suis un hétéroclite qui parle du tout, des chiens du capital plus que des oies du Capitole, des chiens de garde et des chiens écrasés, des hommes de peine et des filles de joies, des enfants de salauds et des enfants de chœur, des bons à rien et des capables de tout. Je me suis débarrassé de l’estime des estimés, sauf de celle des mésestimés, j’ai fait fi du mépris des méprisants pour les méprisés…. J’ai largué la considération des considérés, non celle des déconsidérés, j’ai jeté aux orties la peur des puissants mais respecté celle des petites-gens, j’ai moqué la morgue des vaniteux envers les va-nu-pieds… Je me suis méfié des gens de biens plus que des gens de rien… »
Cury ajoute : « Ce qui me révolte et m’indigne c’est l’injustice, qu’elle soit économique, sociétale ou juridique, celle du capitalisme mondialisé qui laisse des milliards d’individus dans la misère et concentre les richesses dans quelques mains, enfin l’hégémonisme et la prédation des Etats-Unis et de pays européens qui par des incursions, des invasions des destructions ou des guerres, pour des raisons mercantiles et prétendument civilisatrices ou humanitaires ont déstabilisé ou détruit des pays qui n’étaient pas en odeur de sainteté ou dont un convoitait les matières premières... La liberté et la dignité me paraissent essentielles pour le bien de l’homme et de la civilisation et également la possibilité d’ouvrir et d’éclairer les esprits sans contraintes afin que l’homme puisse vivre pleinement son passage sur la terre. »
Intraitable, car plaçant l’humain, le vivant, comme priorité, Cury l’est tout autant vis-à-vis de la culture contemporaine. Comme poète et écrivain il prend parti avec vigueur et livre sa conception de la création et de la liberté du créateur. Il fait le constat que l’économie de marché, la mondialisation, la globalisation, les concentrations apportent davantage l’uniformité que la diversité culturelle : « Si la culture ne contraint pas le marché, c’est le marché qui contraint la culture. »
Sa poésie est, comme il le dit lui-même à propos de son dernier livre, Ceci n’est pas un poème (2020), une mise en abyme de lui-même, un voyage, non dénué d’humour, tout en étant un hymne à la vie, au monde du quotidien et des légendes, parfois dans la révolte ou la dérision, aux formes obscures ou lumineuses. Maurice Cury se définit comme un poète intuitiste : « J’ai écrit que la poésie était révélation dans la mesure où elle révèle à travers le langage une part inconnue de nous-même, mais c’est également la révélation de ce que recouvre ou plutôt de ce que découvre le langage. Le mécanisme de la création qui se met (ou ne se met pas) en branle quand on se livre à l’écriture participe de cet intuitisme, de cette levée des mots qui naît d’une forme d’intuition, quand celle-ci nous semble propice à la révélation qui va nous apporter quelques éléments du mystère de l’écriture et par là du mystère de l’être. Intuition et intuitisme se déclinent dans le langage poétique sous les formes les plus diverses : épique, lyrique, intimiste, pamphlétaire, etc. L’intuitisme me semble aussi participer de la suggestion, de ce qui n’est pas exprimé, ou qui l’est d’une manière contournée, mais qui se communique malgré tout aux lecteurs par la complicité de la création ou du vécu de chacun d’entre eux, quand bien entendu cette empathie créative a lieu. L’intuitisme, à mes yeux, est aussi communication, communion, si le mot n’est pas trop fort, avec le lecteur qui recompose d’une certaine manière le langage et le contenu émotionnel par le prisme de sa propre suggestivité. C’est enfin l’expression d’une poésie humaine et communicative, quelle que soit son expression, une poésie qui témoigne de l’homme et pour l’homme. » Les textes que nous publions ci-dessous, ont été écrits, nous dit Maurice Cury, « dans une sorte d’écriture automatique, bien que ce fut en toute conscience, mais souvent porté par l’enchainement des mots, des images, des pensées qui survenaient au fur et à mesure de l’écriture. »
Christophe DAUPHIN
(Revue Les Hommes sans Epaules).
À lire, Poésie : Poésie complète, 1952-2002 (Le Nouvel Athanor, 2002), Amazone Amazones (D’ici et d’Ailleurs, 2005), Passantes, passage (D'ici et d’ailleurs, 2007), Iles Ailes Elles (D’Ici et d’Ailleurs, 2009), Abîme (D’Ici et d’Ailleurs, 2010), Paroles de vent (Le Jardin d’essai, 2013), Paroles testamentaires (D’Ici et d’Ailleurs, 2013), Les Cendres de la nuit (D’Ici et d’Ailleurs, 2014), Fragile (D’Ici et d’Ailleurs, 2018), Rêve au creux de la nuit, anthologie bilingue franco-italien (Edizione universitarie romane, 2016), Travaux avant fermetures (La Lucarne des Écrivains, 2018).
Romans, récits, nouvelles : Le vélo (Oswald, 1959), Jojo de Bagnolet (Denoël, 1960), Sur la route de Salina (Denoël, 1962), Une chaise dans les champs (Albin Michel, 1965), La Parade sauvage (Denoël, 1969), De Gaulle est mort (L’Athanor, 1975), Un coup au cœur (L’Athanor, 1977), La Femme de neige (Paul Mari, 1979), La Femme prétexte (Denoël, 1981), Meurtre en Moselle (Caractères, 1988), Les Neiges du boulevard Davout (Mots d’homme, 1988), La Quête du vent (Le Nouvel Athanor, 1994), Zones de turbulence (Soleil natal, 1994), L’Écrivain de paille, avec Francis Rigaud (Caractères, 1997), Les Orgues de Flandre (E.C. éditions, 1997), L’éternel féminin (E.C. éditions, 1998), Ad Patres (E.C. éditions, 2001), Le Cimetière du Nord, avec Jean Bany (E.C. éditions, 2004), Le Joueur de dominos assis sur un tapis persan (E.C. éditions, 2006), La Plage blanche (E.C. éditions, 2007), Le Gilet jaune de Jules Berry (Le Temps des cerises, 2007), Château Thanatos (E.C. éditions, 2008), Ruines (D’Ici et d’Ailleurs, 2011), La Belle échappée (Nulle part, 2014), Une Panne (D’Ici et d’Ailleurs, 2015), La Fin du monde (D’Ici et d’Ailleurs, 2018).
Théâtre : Retour à Broadway (Barré-Dayez, 1984), Le Massacre des milliardaires (Caractères, 1985), Rex (Barré-Dayez, 1986), Trois voyageurs (E.C. éditions, 1997), Théâtre radiophonique (E.C. éditions, 2003), Aicha (E.C. éditions, 2005).
Essais : Éloge de la paresse (E.C. éditions, 1992), Le Libéralisme totalitaire (E.C. éditions, 1995), Littérature et Prêt-à-porter (E.C. éditions, 1995), La Mort de Sardanapale (E.C. éditions, 1996), Irak, guerre, embargo, mensonge et vidéo, avec Patricia Latour et Yves Vargas (Le Temps des cerises, 1999), Visite à Antoine Duhamel (Caractères, 1999), Les Crimes de la Maison-Blanche (Le Temps des cerises, 2003), Visite à Victor Haïm (Caractères, 2005), La Guerre capitaliste (E.C. éditions, 2008), La Barbarie sans visage (Le Temps des cerises, 2009), L’Uniformité culturelle (Le Temps des cerises, 2011), Les Grimaces du vieux singes (D’Ici et d’Ailleurs, 2016), Le vieux singe récidive (D’Ici et d’Ailleurs, 2019).
Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules
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Dossier : LA POESIE ET LES ASSISES DU FEU : Pierre Boujut et La Tour de Feu n° 51 |